Les chiens de berger sont réputés pour leur endurance, leur intelligence et leur dévouement au travail. Cependant, ces qualités athlétiques s'accompagnent souvent d'une vulnérabilité structurelle commune à de nombreuses races canines : la dysplasie. Lorsque l'on évoque des races spécifiques comme le Berger Croate (Hrvatski Ovčar), le Berger de Majorque (Ca de Bestiar) et l'imposant Berger Mioritic (Ciobănesc Românesc Mioritic), la prévention des affections articulaires devient un pilier central de leur élevage et de leur entretien.
Bien que ces trois races présentent des gabarits et des origines géographiques différents, elles partagent une prédisposition aux problèmes orthopédiques, notamment la dysplasie de la hanche (coxo-fémorale) et du coude. Cet article détaillé vous guidera à travers les spécificités de ces races et les meilleures stratégies pour préserver leur capital articulaire.
Comprendre la dysplasie de la hanche et du coude
Avant d'aborder les spécificités raciales, il est crucial de comprendre ce qu'est la dysplasie. Contrairement à une idée reçue, un chiot ne naît pas avec une dysplasie sévère ; il naît avec une prédisposition génétique qui, combinée à des facteurs environnementaux, entraîne une malformation de l'articulation lors de la croissance.
La dysplasie de la hanche
Il s'agit d'un développement anormal de l'articulation coxo-fémorale. La tête du fémur ne s'emboîte pas parfaitement dans le cotyle (la cavité du bassin). Cela crée une laxité, entraînant des frottements, une usure prématurée du cartilage, et inévitablement, de l'arthrose douloureuse.
La dysplasie du coude
Plus complexe, elle regroupe plusieurs anomalies de développement de l'articulation du coude (non-union du processus anconé, fragmentation du processus coronoïde, etc.). Elle touche particulièrement les chiens de grande taille et peut causer des boiteries sévères dès le plus jeune âge.
Profils raciaux et risques spécifiques
La prévention doit être adaptée à la morphologie et au tempérament de chaque chien. Voici comment ces trois grands bergers se positionnent face au risque.
1. Le Berger Mioritic : Le défi du géant
Le Berger Mioritic est un chien de taille géante, originaire des Carpates roumaines. Les mâles peuvent dépasser les 75 cm au garrot et peser plus de 60 kg.
- Le facteur de risque principal : La croissance rapide. Comme tous les molossoïdes et chiens de montagne, le Mioritic prend une masse considérable en un temps record. Une croissance trop rapide met une pression immense sur un squelette encore immature. C'est la race parmi les trois citées qui demande la surveillance la plus stricte en termes d'apport calorique durant la première année.
2. Le Berger de Majorque (Ca de Bestiar) : La robustesse à l'épreuve
Chien de berger et de garde originaire des îles Baléares, le Berger de Majorque est un chien de grande taille (jusqu'à 73 cm), musclé et agile.
- Le facteur de risque principal : L'activité intense combinée au poids. C'est un chien au tempérament vif qui peut ignorer la douleur pour continuer à travailler ou à jouer. Le risque ici est souvent lié à des micro-traumatismes répétés sur des articulations dysplasiques non diagnostiquées, accélérant l'apparition de l'arthrose.
3. Le Berger Croate : L'agilité trompeuse
Le Berger Croate est le plus petit des trois (taille moyenne, environ 40-50 cm), mais il est extrêmement vif.
- Le facteur de risque principal : Les sauts et les virages brusques. Bien que moins lourd que le Mioritic, le Berger Croate pratique souvent des sports canins (agilité, troupeau) qui sollicitent énormément les hanches. Chez lui, la dysplasie peut passer inaperçue plus longtemps car sa musculature légère compense la laxité, jusqu'à ce que l'arthrose s'installe.
Les piliers de la prévention
La prévention de la dysplasie chez ces trois races repose sur un trépied : la génétique, l'alimentation et la gestion de l'environnement.
1. La sélection génétique : Le point de départ
La dysplasie est une maladie héréditaire polygénique. La première étape de la prévention se joue avant même la naissance du chiot.
- Exigez les tests : Que vous adoptiez un Croate, un Majorque ou un Mioritic, l'éleveur doit fournir les résultats officiels des radiographies des parents (et idéalement des grands-parents). En Europe, les scores vont de A (indemne) à E (dysplasie sévère). N'achetez jamais un chiot issu de parents classés C, D ou E sans une connaissance approfondie des risques.
- L'indice de sélection : Pour le Mioritic et le Majorque, regardez la lignée. Des parents "A" peuvent produire des chiots dysplasiques si la génétique des ancêtres est mauvaise, mais le risque est considérablement réduit.
2. La gestion nutritionnelle : Le levier le plus puissant
Une fois le chiot à la maison, l'alimentation est le facteur environnemental numéro un.
- Éviter le surpoids : C'est la règle d'or. Un chiot Berger Mioritic ou Majorque doit rester "sec". On doit pouvoir sentir ses côtes sans appuyer. Le surpoids exerce une charge mécanique destructrice sur des articulations en formation.
- Contrôle de la croissance : Ne cherchez pas à faire grandir votre Mioritic trop vite pour qu'il soit impressionnant. Une croissance lente permet aux os de se densifier avant de supporter une masse musculaire importante. Utilisez des croquettes "Large Breed Puppy" ou "Giant Puppy" spécifiquement formulées avec des taux de calcium et de phosphore contrôlés.
- Les compléments alimentaires : L'ajout de chondroprotecteurs (Glucosamine et Chondroïtine) et d'acides gras Oméga-3 (huile de poisson) est recommandé dès le jeune âge pour ces races, afin de nourrir le cartilage et réduire l'inflammation systémique.
3. L'exercice physique : Quantité et qualité
L'erreur classique est de penser qu'un chien de berger doit courir des heures dès son plus jeune âge.
- La règle des 5 minutes : Pour un chiot, limitez les promenades en laisse à 5 minutes par mois d'âge (ex: 15 minutes pour un chiot de 3 mois), plusieurs fois par jour, plutôt qu'une longue sortie.
- Éviter les impacts : Pour le Berger Croate, limitez les sauts (frisbee, agility) avant la fin de la croissance (12-14 mois). Pour le Mioritic et le Majorque, évitez absolument les escaliers, les sols glissants (carrelage) et les jeux brutaux avec d'autres chiens adultes.
- Privilégier la natation : C'est l'exercice roi pour la prévention et la rééducation. Elle permet de muscler le chien sans aucune charge sur les hanches et les coudes.
Diagnostic et surveillance vétérinaire
Le dépistage précoce peut changer la vie de votre chien. Il n'est pas nécessaire d'attendre que le chien boite pour consulter.
- La pré-radio (4-5 mois) : Une radiographie de contrôle réalisée vers 4 ou 5 mois (souvent lors d'une sédation légère) permet de détecter une laxité excessive (méthode PennHIP par exemple).
- La symphysiodèse juvénile pubienne (JPS) : Si une dysplasie est détectée très tôt (avant 16-20 semaines) chez un chiot à risque, cette intervention chirurgicale mineure peut modifier la croissance du bassin et prévenir le développement de l'arthrose.
- La radiographie officielle (12-18 mois) : Elle confirme l'état des articulations à la fin de la croissance osseuse.
Vivre avec un chien dysplasique
Si votre Berger Croate, Majorque ou Mioritic est diagnostiqué dysplasique, ce n'est pas une fatalité. La gestion conservatrice donne d'excellents résultats :
- Maintien d'un poids idéal : Crucial pour soulager les articulations.
- Physiothérapie : Hydrothérapie, massages et exercices de proprioception.
- Traitement médical : Anti-inflammatoires (AINS) lors des crises, et injections d'anticorps monoclonaux (comme le Librela) pour la gestion de la douleur chronique.
- Chirurgie : Dans les cas sévères (notamment pour les grands gabarits comme le Mioritic), la prothèse totale de hanche reste la solution ultime pour retrouver une mobilité parfaite.
Conclusion
La dysplasie de la hanche et du coude chez le Berger Croate, le Berger de Majorque et le Berger Mioritic est une réalité que tout propriétaire doit anticiper. En choisissant un éleveur responsable, en surveillant scrupuleusement la courbe de croissance et en adaptant l'activité physique, vous offrez à votre compagnon les meilleures chances de mener une vie longue, active et sans douleur. La prévention est un investissement quotidien qui paie des dividendes inestimables : des années de complicité avec votre chien en pleine santé.
Questions fréquemment posées
À quel âge dois-je faire tester mon chien pour la dysplasie ?
Il est recommandé de faire une première radiographie de contrôle (pré-dépistage) vers l'âge de 4 à 5 mois pour évaluer la laxité articulaire. Le dépistage officiel se fait généralement entre 12 et 18 mois selon la race (plus tard pour les races géantes comme le Mioritic), une fois la croissance osseuse terminée.
La dysplasie est-elle uniquement génétique ?
Non, bien que la composante génétique soit prédominante, les facteurs environnementaux jouent un rôle majeur dans l'expression de la maladie. Une alimentation trop riche, une croissance trop rapide, un excès d'exercice ou des traumatismes durant la jeunesse peuvent aggraver une prédisposition génétique ou déclencher des problèmes chez un chien aux hanches "limites".
Puis-je faire courir mon Berger Croate s'il a une dysplasie légère ?
L'activité physique est essentielle pour maintenir la masse musculaire qui soutient l'articulation, mais elle doit être adaptée. Il faut éviter les exercices à fort impact (sauts, freinages brutaux, course sur bitume). La marche en laisse, la natation et le trot sur terrain souple sont recommandés. Consultez toujours un vétérinaire orthopédiste pour un programme adapté.
Les escaliers sont-ils dangereux pour un chiot Berger Mioritic ?
Oui, pour une race géante comme le Mioritic, monter et descendre fréquemment des escaliers durant la phase de croissance rapide (jusqu'à 12 mois) augmente considérablement le risque de développer une dysplasie, en raison de la charge mécanique excessive et des risques de glissade.