L’adoption d’un chien de berger, qu’il soit originaire de Croatie (le Tornjak), de Majorque (le Ca de Bestiar) ou de Roumanie (le Mioritza), est une décision qui ne se prend pas à la légère. Ces races, réputées pour leur courage, leur instinct de protection et leur loyauté, possèdent des tempéraments bien trempés. Une question revient systématiquement chez les futurs propriétaires : ces chiens peuvent-ils cohabiter pacifiquement avec d’autres animaux ?
Qu’il s’agisse de chats, d’autres chiens, de lapins ou d’animaux de ferme, la réponse est nuancée. Elle dépend de la race spécifique, de la lignée, mais surtout de la socialisation précoce et de l’éducation. Dans ce guide complet, nous explorerons les dynamiques de cohabitation pour ces trois races spécifiques et vous donnerons les clés pour instaurer l’harmonie au sein de votre foyer multi-espèces.
Comprendre l’instinct : Gardien ou Prédateur ?
Avant de parler de techniques d’introduction, il est crucial de comprendre ce qui se passe dans la tête de votre chien. Le Berger Croate, le Berger de Majorque et le Berger Mioritic ne sont pas de simples chiens de compagnie ; ce sont des chiens de travail sélectionnés depuis des siècles.
L’instinct de protection vs l’instinct de prédation
La majorité des chiens de berger ont été sélectionnés pour protéger les troupeaux contre les prédateurs (loups, ours), et non pour les chasser. Cela signifie que leur instinct de prédation est généralement plus bas que celui d’un chien de chasse (comme un Terrier ou un Lévrier). C’est une excellente nouvelle pour vos chats et vos poules.
Cependant, l’instinct de garde signifie aussi une forte territorialité. Un chat “étranger” qui traverse le jardin pourrait être chassé non pas comme une proie, mais comme un intrus. La nuance est importante pour la gestion du comportement.
1. Le Berger Croate (Tornjak)
Le Tornjak est un chien calme, réfléchi et moins réactif que d’autres races de garde. Il a tendance à être très tolérant envers les membres de sa “famille”, ce qui inclut les autres animaux du foyer s’il a grandi avec eux. Son seuil de tolérance est élevé, ce qui en fait souvent un bon candidat pour la cohabitation avec des animaux plus petits, à condition que ces derniers ne le harcèlent pas constamment.
2. Le Berger de Majorque (Ca de Bestiar)
Le Ca de Bestiar est une race plus vive, parfois plus méfiante et avec un caractère plus affirmé. Historiquement utilisé pour la garde et la conduite de troupeaux (ovins, bovins, et même volailles), il sait respecter les autres animaux. Toutefois, il peut se montrer dominant avec ses congénères canins, surtout de même sexe. La gestion de la hiérarchie est ici primordiale.
3. Le Berger Roumain Mioritic
Le Mioritza est un colosse. C’est un gardien incorruptible, très attaché à son maître, mais méfiant envers tout ce qui est étranger. Si un chaton fait partie de “son” troupeau (votre famille), il le protégera au péril de sa vie. Mais introduire un nouvel animal adulte sur le territoire d’un Mioritic adulte demande beaucoup de patience et de tact.
Pour une analyse plus détaillée des différences entre ces races spécifiques, vous pouvez consulter notre article comparatif sur le berger croate, majorque ou mioritic.
La socialisation : La clé de voûte de la cohabitation
La période critique de socialisation (entre 3 et 16 semaines) est le moment où tout se joue. Pour ces races de berger, l’exposition positive à d’autres espèces est non négociable.
L’imprégnation interspécifique
Si vous adoptez un chiot Berger Mioritic ou Tornjak, l’idéal est qu’il rencontre des chats, des lapins ou des chevaux dès ses premiers mois. Le chiot apprendra que ces animaux font partie de la norme. Il apprendra à lire leur langage corporel (un chat qui crache, un cheval qui couche les oreilles) sans réagir par l’agression.
Pour approfondir les méthodes d’exposition précoce, lisez notre guide sur la socialisation du chiot berger.
Cohabitation avec les chats : Mission possible ?
La cohabitation Chien de Berger / Chat est l’une des demandes les plus fréquentes. Voici comment procéder pour sécuriser la rencontre.
Étape 1 : Les présentations olfactives
Ne mettez jamais les animaux face à face immédiatement. Isolez le nouveau venu dans une pièce. Échangez les couvertures ou frottez un tissu sur le chat pour le donner au chien, et vice-versa. Le chien doit associer l’odeur du chat à quelque chose de positif (friandises).
Étape 2 : La rencontre visuelle contrôlée
Utilisez une barrière bébé ou une cage de transport. Le chien doit être en laisse. Laissez-les s’observer. Si le Berger de Majorque fixe le chat intensément, tremble ou tente de foncer (signes de prédation), détournez son attention et récompensez le calme. Le chat doit toujours avoir une voie de sortie en hauteur.
Étape 3 : La liberté surveillée
Une fois que le chien ignore le chat à travers la barrière, vous pouvez tenter une rencontre dans le salon, chien en laisse (laisse détendue). Ne forcez jamais le contact. Laissez le chat venir au chien. Récompensez le chien pour chaque regard calme vers le chat.
Cohabitation avec d’autres chiens
L’introduction d’un second chien demande une analyse du tempérament de votre chien de berger.
La question du sexe et de la taille
- Sexe opposé : C’est généralement la configuration la plus sûre. Un mâle Mioritic acceptera souvent beaucoup plus facilement une femelle, même d’une autre race.
- Même sexe : Risque de conflits hiérarchiques, surtout entre deux mâles entiers ou deux femelles de fort caractère (comme le Ca de Bestiar).
- Différence de taille : Soyez vigilant avec les très petits chiens (Chihuahuas, Yorkshires). Un coup de patte amical d’un Tornjak de 50 kg peut blesser un petit chien involontairement. Le “jeu de poursuite” doit être interdit, car il peut déclencher l’instinct de prédation.
La promenade parallèle
La meilleure façon de présenter deux chiens est la promenade en terrain neutre. Marchez parallèlement avec les deux chiens en laisse, à distance suffisante pour qu’ils ne puissent pas se toucher mais puissent se voir. Rapprochez-vous progressivement. Cela crée une dynamique de “meute” qui avance ensemble, plutôt qu’une confrontation frontale.
Cohabitation avec les animaux de ferme (Chevaux, Moutons, Volailles)
Ces races ont cela dans le sang, n’est-ce pas ? Oui et non. L’instinct est là, mais il doit être canalisé.
Le danger du “Jeu”
Un jeune Berger de Majorque peut vouloir “jouer” avec une poule ou courir après un mouton. Ce comportement, bien que non agressif au départ, peut être fatal pour l’animal de ferme (crise cardiaque, blessure) et doit être corrigé immédiatement. Le chien doit apprendre le calme absolu en présence du bétail.
L’intégration progressive
- En longe longue : Amenez le chien près de l’enclos. Récompensez l’indifférence.
- Contact rapproché : Si le chien est calme, laissez-le renifler à travers la clôture.
- Liberté sous surveillance : Ne laissez jamais un chien seul avec des animaux de ferme sans être sûr à 100% de sa fiabilité, ce qui peut prendre jusqu’à deux ans (maturité sociale).
Gérer les ressources et le territoire
Les conflits entre animaux naissent souvent de la gestion des ressources. Les chiens de berger comme le Mioritic peuvent faire de la protection de ressources (nourriture, jouet, canapé).
- Nourrissez séparément : Ne donnez jamais à manger au chien et au chat côte à côte.
- Zones de repos : Le chien doit avoir son panier où personne (ni chat, ni autre chien, ni enfant) ne vient l’embêter.
- Attention partagée : Ne négligez pas l’ancien animal au profit du nouveau. La jalousie peut créer des tensions.
Signes d’alerte : Quand faire appel à un professionnel ?
Si vous observez les signes suivants, arrêtez les interactions et contactez un comportementaliste canin :
- Le chien fixe l’autre animal sans cligner des yeux, le corps rigide.
- Le chien claque des dents ou bave excessivement en présence de l’autre animal.
- Le chien tente de “pincer” les jarrets (comportement de herding mal dirigé) ou de saisir le cou.
- L’autre animal vit dans la terreur permanente (se cache, refuse de manger).
Conclusion
Faire cohabiter un Berger Croate, un Berger de Majorque ou un Mioritza avec d’autres animaux est tout à fait possible et souvent source de grandes joies. Ces géants peuvent devenir les protecteurs dévoués de toute la “famille”, y compris du chat ou du vieux poney. Le secret réside dans le temps, la patience, et une lecture juste des émotions de chacun. Ne brûlez pas les étapes, et votre foyer deviendra un havre de paix interspécifique.
Questions fréquemment posées
Le Berger Croate (Tornjak) s’entend-il bien avec les chats ?
Oui, le Tornjak est généralement l’un des chiens de protection de troupeau les plus tolérants. S’il est habitué dès son plus jeune âge (socialisation précoce), il cohabite très bien avec les chats, les considérant souvent comme des membres de la famille à protéger. Cependant, un chat inconnu entrant sur son territoire pourra être chassé.
Le Berger de Majorque est-il agressif avec les autres chiens ?
Le Berger de Majorque (Ca de Bestiar) a un tempérament fort et peut se montrer dominant, particulièrement avec les chiens du même sexe. Il est souvent un chien à “patron unique”. Une cohabitation est possible, mais elle nécessite une introduction soignée, une hiérarchie claire et, idéalement, une différence de sexe entre les deux chiens pour éviter les rivalités.
Comment présenter un nouvel animal à un Berger Mioritic adulte ?
Le Mioritic est un gardien méfiant par nature. L’introduction doit se faire en terrain neutre (hors de la maison et du jardin) pour éviter la réponse territoriale. Procédez par étapes : promenade parallèle, échange d’odeurs, et contacts brefs et positifs. Ne forcez jamais la proximité et assurez-vous que le Mioritic associe le nouvel animal à des récompenses (friandises, caresses).
Ces races peuvent-elles vivre avec des poules ou des lapins en liberté ?
Oui, mais cela demande de l’éducation. Bien que ces chiens aient un instinct de prédation plus faible que les chiens de chasse, le mouvement rapide d’une poule peut déclencher une envie de poursuite ou de jeu brusque chez un jeune chien. Il faut apprendre au chien le “pas toucher” et superviser les interactions jusqu’à ce que le chien montre une indifférence totale.